Leadership au féminin
Chapitre 4 : Véronique Morali, celle qui accompagnait les femmes vers l’indépendance
- Elise Thibault-Gondré
- 7 min
Depuis le début de sa carrière dans l’inspection des finances, Véronique Morali n’a cessé de bousculer les conventions et d’ouvrir la voie à d’autres femmes. Ses choix audacieux l’ont amenée à créer sa propre entreprise, Terrafemina, et à occuper des postes clés dans des conseils d’administration de grands groupes internationaux, tels que Coca-Cola, Publicis ou Eiffage.
Dans cet article, Véronique partage ses réflexions au sujet de l’équilibre entre vie professionnelle et privée ainsi que sur le rôle, tant des hommes que des femmes, dans la promotion de l’égalité des sexes. L’une des choses que nous avons apprises grâce à Véronique ? Le succès, selon elle, ne réside pas seulement dans la conquête de nouveaux territoires professionnels, mais aussi dans la capacité à rester fidèle à ses valeurs et à ses aspirations profondes !
Votre parcours professionnel est impressionnant. Êtes-vous parvenue à trouver un équilibre satisfaisant avec votre vie privée ?
« Peut-être qu’il ne faut pas vouloir tout réussir à tout moment. »
Véronique Morali : L’équilibre n’est pas le même à chaque étape de notre vie. Les priorités diffèrent à 30, 40 ou 50 ans. À certaines périodes, on va avoir plus envie de se concentrer sur sa vie professionnelle. Il y en aura d’autres où ce sera le rôle de parent qui comptera le plus. Tenir un couple, c’est encore plus difficile que de gérer une boîte… Et peut-être qu’il ne faut pas vouloir tout réussir à tout moment. C’est trop dur, de tout réussir.
Il n’y a pas de bonne façon de faire, c’est quelque chose de très personnel. En ce qui me concerne, ma carrière a toujours fait partie des piliers de ma vie, mais c’était incommensurablement moins important que mes filles. Le principal est de savoir ce qui est essentiel pour soi, là maintenant. Puis de se donner les moyens de le mettre en œuvre, pour ne pas se dire un jour « j’aurais dû » ou « j’aurais pu ».
Dans une précédente interview, vous avez dit « On n'est pas là pour placer les femmes à la tête de tout. Les hommes ont leur place dans cette évolution de société. » Quel rôle les hommes doivent-ils jouer pour soutenir l'égalité des sexes et l'entrepreneuriat féminin ?
« Il faut être en harmonie avec soi-même, car c’est là où on va donner le meilleur de soi-même. »
VM : On dit que les femmes représentent la moitié de l’humanité et c’est vrai. L’autre moitié est donc constituée d’hommes. Si on a un rêve ou un projet qui nécessite l’aide d’un homme, il ne faut pas se l’interdire. Je salue le courage d’Élise qui avait stoppé la première levée de fonds de Day One parce qu’aucune femme ne faisait partie des investisseurs. Cependant, il ne faut pas vouloir à tout prix mettre des femmes partout juste parce qu’il faut des femmes. Moi je crois à un équilibre opérationnel.
J’ai milité pour l’introduction de quotas de femmes dans les conseils d’administration, il faut parfois forcer un peu le destin. C’est devenu une loi dont je suis extrêmement contente. Mais il ne faut pas que cela devienne contre-productif. Il vaut mieux des femmes bien dans leur peau là où elles sont, plutôt que des femmes qui se font brûler les ailes parce qu’elles sont là où elles sont en raison de quotas.
Il faut encourager les femmes, leur donner l’impulsion, mais en aucun cas leur imposer de faire ce pour quoi elles ne sont pas faites ou ce qu’elles ne veulent pas faire. Il ne faut pas à tout prix vouloir être dans des conseils d’administration si on trouve ça emmerdant. Il faut être en harmonie avec soi, car c’est là où on va donner le meilleur de soi-même.
La CEO du Groupe Apside, Valérie Lafdal, que nous avons également interviewée, affirme avoir « toujours occupé [ses] fonctions sans [se] préoccuper du fait d’être une femme. » Est-ce aussi votre cas ?
« Rien n’est impossible pour les femmes, pour autant que ce soit ce qu’elles veulent. »
VM : Ce serait plutôt le contraire. J’ai toujours choisi volontairement d’aller dans des univers où il y avait beaucoup d’hommes et très peu de femmes. J’ai par exemple démarré ma carrière dans l’inspection des finances. J’étais la 5e femme depuis sa création. Je souhaitais ouvrir des chemins, montrer que c’était possible d’aller là où on ne nous attendait pas. Plus c’était compliqué, plus les femmes étaient absentes, plus je voyais ça comme un défi. Rien n’est impossible pour les femmes, pour autant que ce soit ce qu’elles veulent.
Savez-vous ce qui a motivé cette démarche dès le début de votre carrière ?
VM : La mort de ma mère, lorsque j’avais 17 ans, a été comme un top départ. J’étais proche de mon père, mais il voyageait beaucoup. J’ai réalisé à ce moment-là que rien ne serait plus jamais pareil pour moi, que j’étais seule et que c’était à moi de jouer.
Cette volonté d’indépendance, vous avez voulu la partager avec d’autres femmes. En 2005, vous créez Force Femmes, une association qui accompagne gratuitement les femmes de plus de 45 ans sans emploi dans leurs démarches de retour à l’emploi ou de création d’entreprise. Comment est né ce projet ?
VM : J’avais déjà lancé le Women’s Forum, un grand cénacle où on donne la parole à des femmes de tous les pays sur plein de thèmes. Mais j’avais envie d’agir au-delà de ces conférences, j’avais besoin de plus de concret.
En 2005, on était à plus de 10 % de chômage en France. Je me suis demandé ce qui se passerait pour nous, les femmes de plus de 45 ans, si nos maris nous quittaient, si on se retrouvait au chômage. Comment fait-on, seule ? Comment se réinsère-t-on ? On a très vite trouvé notre public, car le marché de l’emploi n’est pas clément avec les profils de cet âge-là…
Qu’apprend-on chez Force Femmes ?
VM : À l’époque, les employeurs exigeaient la maîtrise des outils informatiques comme Excel, or les femmes ne savaient pas s’en servir. On collaborait avec Orange et Microsoft pour avoir des ordinateurs et les former à ces logiciels. Et puis, progressivement, on leur a appris à être présentes sur les réseaux sociaux pour se marketer elles-mêmes. On travaille aussi sur une question cruciale : les finances. Beaucoup de femmes s’en remettent à leur comptable et n’ont aucune notion dans ce domaine. Elles ne font pas la différence entre le chiffre d’affaires et le résultat, ne savent pas gérer une trésorerie… Je suis intransigeante sur ces sujets-là et sur tout ce qui touche au commerce : ne pas considérer son client comme un copain, savoir augmenter ses prix, ne pas craindre de parler de rentabilité, se payer soi-même, etc. À partir du moment où tu as du cash, tu es à l’abri de beaucoup de choses. Et ça, ce n’est pas rien.
Les ateliers sont différents pour les femmes qui sont à la recherche d’un emploi. Là on est beaucoup plus dans la confiance en soi, dans le savoir convaincre, c’est une autre dynamique.
Pouvez-vous nous partager une ou plusieurs histoires de réussite particulièrement marquantes de l’association ?
VM : Force Femmes a donné vie a tellement de belles histoires que je ne saurais laquelle choisir pour commencer à vous raconter nos succès. Si cela vous intéresse, jetez un œil aux lauréates 2024 du Prix des Entrepreneuses by Force Femmes !
Un grand merci à Véronique pour nous avoir ouvert les portes de son univers avec autant de bienveillance et de transparence. Restez à l’affût, car le mois prochain, nous vous réservons une nouvelle rencontre avec une femme inspirante !
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