Leadership au féminin

Chapitre 3 : Valérie Lafdal, celle qui savait où elle voulait arriver

Valérie Lafdal

Dans ce 3e volet de notre série « Leadership au féminin », Valérie Lafdal nous offre un regard transparent sur les motivations et les qualités qui lui ont permis d’être, entre autres, CEO France et CEO déléguée du groupe B&D puis CEO du Groupe Apside. Plongée depuis des années dans un univers masculin, elle a gravi les échelons sans s’encombrer des préjugés et sans jamais douter de ses capacités. Valérie est par ailleurs convaincue de l’impact des modèles féminins sur les aspirations des jeunes filles. Et nous, chez Day One, nous sommes persuadé·es qu’elle est l’un de ces modèles !

Dans une publication LinkedIn récente, vous dites que vous avez “toujours occupé [vos] fonctions sans [vous] préoccuper du fait d’être une femme.” Comment expliquez-vous cette absence de barrière ?

« Je me suis retrouvée plus d'une fois dans des situations où j’étais plus compétente que la personne au-dessus de moi. »

Valérie Lafdal : C’est peut-être lié à mon tempérament. Je suis assez directe et je sais aussi mettre de la distance dans mes relations professionnelles. 

Ce que je n’ai toutefois pas écrit dans ce post, car cela aurait été trop long à expliquer, c’est que j’aurais pu à de nombreuses reprises être à des niveaux supérieurs. Je me suis retrouvée plus d’une fois dans des situations où j’étais plus compétente que la personne au-dessus de moi. Il s’agissait d’hommes, qui se sont servis de mes compétences pour leurs propres bénéfices. Mais ils ne m’ont pas entravée dans mon action, ce qui est déjà pas mal. Les hommes sont très sensibles au fait d’avoir des galons et des titres à rallonge pour s’en faire des colliers, même si derrière ils n’exercent pas vraiment.

Du côté des femmes, il y a une évolution pour les postes disons “middle management ». Mais pour les postes clés, ceux tout en haut de l’échelle, là il y a toujours un plafond de verre.

Publication Valerie blog

Qu’est-ce qui vous attire dans ces postes haut placés, si ce n’est pas le prestige du titre ?

VL : Je n’ai jamais voulu à tout prix être DG, CEO ou autre, mais il se trouve que j’ai une personnalité qui matche bien avec les postes de direction. Moi ce que j’aime c’est avant tout construire des projets, et la prise de risque ne me fait pas peur. Manager, c’est risqué.

Je pense d’ailleurs qu’on va avoir de plus en plus de mal à trouver des personnes qui veulent devenir managers, parce qu’il y a énormément de contraintes qui se cachent derrière ce titre. Manager, c’est aussi ne jamais débrancher. On est tout le temps en train de jongler avec 200 sujets, la charge mentale est considérable…

Diriger des entreprises n’était donc pas votre rêve d’enfant. Quel était-il ?

« Mon objectif a toujours été de ne pas avoir à regarder mon compte bancaire. »

VL : Je ne m’en souviens pas. Ce que je sais, c’est que mon objectif a toujours été de ne pas avoir à regarder mon compte bancaire. Mon parcours personnel a fait que j’ai dû me prendre en charge très jeune. J’ai orienté mes études dans la gestion des entreprises en me disant que j’étais certaine de toujours trouver du travail dans ce domaine.

Si j’avais suivi mes aspirations profondes, si je n’avais pas été contrainte par un schéma de vie, je pense que j’aurais choisi un métier artistique. Même si je me rends compte que, finalement, il faut faire en permanence appel à sa créativité pour diriger. Quand on pense aux artistes, on parle toujours de performances musicales, de spectacles, etc. Mais en fait, moi aussi je joue une partition telle une cheffe d’orchestre, pour trouver des solutions, choisir les bons instruments et composer des projets.

On souhaitait également aborder avec vous la place des femmes dans les filières scientifiques et technologiques, qui est encore infinitésimale. Pourtant, dans votre précédente entreprise Business & Decision, 33 % des salarié·es étaient des collaboratrices. Qu’avez-vous fait pour encourager l’accès des femmes à ces métiers technologiques ?

VL : Business & Decision est ce qu’on appelle un pure player data. Et dans la data, il y a des métiers qui ne sont pas ceux d’ingénieurs. Il y a beaucoup de gestion de projet, il y a aussi de l’expertise fonctionnelle. Ce n’était donc pas qu’il y avait plus de femmes ingénieures, mais plus de femmes travaillant dans les nouvelles technologies. Moi je dirige des ingénieurs depuis 30 ans, sans l’être moi-même. Cela ne m’empêche pas de les challenger. Je fais des interventions en master pour tenter de démystifier le statut d’ingénieur et pour parler de toutes les professions possibles dans la tech.

Business & Decision recrutait 500 nouveaux talents en 2022 et encourageait les femmes à investir les métiers scientifiques

Jessica Matoua-David, que nous avons interviewée dans un précédent article, soutenait qu’il faudrait donner accès à ces informations dès le plus jeune âge pour que chacun ait conscience des nombreuses voies professionnelles existantes.

VL : Tout à fait, et les parents doivent aussi porter le message que ce qui est accessible aux garçons l’est tout autant aux filles.

Il y a aussi l’histoire des rôles modèles. Les petites filles devraient pouvoir s’identifier à une pluralité de profils pour s’en inspirer. Cela passe par les femmes que l’on observe au quotidien, mais aussi par la culture, avec les rôles attribués aux femmes dans les séries télévisées par exemple. Il faut qu’on décuple les références aux femmes, sans en faire toute une histoire non plus car cela pointerait le fait que ce n’est pas la norme.

Notre saga « Leadership au féminin », qui met en lumière des femmes aux profils et parcours atypiques, est au cœur même de ce paradoxe alors !

VL : C’est vrai. C’est un sujet complexe, mais c’est en multipliant ces actions que nous allons obtenir des résultats. Changer une culture prend du temps et nécessite d’agir sur tous les axes.

En parlant de femmes inspirantes, avez-vous eu un modèle de votre côté ?

« Il ne faut pas se contenter de ce que l'on nous donne. »

VL : Étonnamment, non. Je crois que je n’en ai pas eu besoin car j’étais bien armée. 

J’ai été très persévérante et je n’ai jamais hésité à prendre des initiatives. Si j’arrivais à un poste de directrice financière, rapidement, je faisais du marketing, de la direction de projet. Je déformais les postes que j’occupais. J’ai toujours milité pour être acteur de son propre changement. Car si tu attends le changement de la part des autres, tu peux attendre longtemps. Il ne faut pas se contenter de ce que l’on nous donne, il faut aller chercher ce qu’on n’a pas ou ce qu’on veut, ou en tout cas le faire savoir.

Aujourd’hui, chez Apside, vous êtes confrontée comme toute entreprise à la notion de bien-être au travail. Avez-vous mis en place des initiatives en ce sens récemment ?

VL : Nous avons commencé par faire l’enquête Great Place to Work pour recueillir la perception des salarié·es. 79 % d’entre eux disent par exemple être encouragés à conserver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée et 87 % estiment pouvoir compter sur l’aide de leurs collègues et d’autres membres du personnel.

Great Place to work

Apside a reçu en 2024 la certification Great Place To Work

Nous sommes je crois dans un effet de balancier, parce que à peu près tout le monde a épuisé les recettes : on fait des after-work, des soirées de fin d’année, on a déménagé le siège social dans un super espace de coworking… Mais on manque un peu d’idées nouvelles pour engager les salarié·es. On va mettre en place Day One, justement, pour leur permettre de réaliser des actions solidaires ! 

Pour terminer en beauté, souhaitez-vous recommander un livre, film ou podcast en rapport avec la cause de la femme ?

VL : La brillante destinée d’Elisabeth ZOTT. Ce roman raconte l’histoire d’une femme scientifique neuro-atypique qui vit aux Etats-Unis dans les années 60. Je me demande si ce n’est pas inspiré d’une histoire vraie !

La brillante destinée d'Elizabeth ZOTT

Un grand merci à Valérie Lafdal pour avoir partagé avec nous son parcours, ses réflexions et ses convictions. Rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle rencontre avec une femme inspirante !

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