Leadership au féminin

Chapitre 1 :  Miren Bengoa, une vie dédiée à l’engagement sociétal et à l’émancipation des femmes

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Miren Bengoa est une pionnière de l’engagement sociétal. Que ce soit à la tête de la Fondation CHANEL, d’ONU Femmes France, du Groupe SOS ou encore de la Chaîne du Bonheur, elle a consacré sa carrière aux autres et plus particulièrement aux enfants et aux femmes. Son nom nous est naturellement venu à l’esprit lorsque nous avons songé à cette saga de portraits de femmes inspirantes. Avec elle, nous avons discuté d’engagement solidaire en entreprise, découvrant notamment ce que c’était que de mettre en place le mécénat de compétences il y a une dizaine d’années. Miren nous a aussi partagé ce qu’elle estime indispensable à l’éclosion d’entreprises paritaires. Prenez garde, car son désir d’agir et son altruisme sont contagieux…

Vous faites partie des business angels de Day One depuis les prémices de l’aventure. Qu'est-ce qui vous a donné envie de nous soutenir ?

Miren Bengoa : Je venais de créer ma propre société de conseil, en indépendante. Je fais surtout de l’accompagnement dans les domaines du genre et de la philanthropie, pour les entreprises ou les associations. J’avais aussi le souhait d’épauler des structures à taille humaine, d’être présente au moment de la prise de risque — celui où il faut donner ce coup de pouce indispensable pour parvenir à faire décoller une initiative.

J’ai eu un coup de cœur pour Day One. Le projet me séduisait parce qu’il avait du sens, qu’il faisait converger plusieurs de mes métiers et que je pouvais réellement apporter une contribution sur le plan de l’activité. Le fait qu’il s’agisse d’entrepreneuriat féminin, puisque vous étiez deux femmes et un homme au départ, m’a également plu.

Vous avez toujours cherché des missions vous permettant de donner du sens à votre carrière. Était-ce un choix conscient ?

« Je ne voulais pas informer, mais agir. »

MB : Mon intention de carrière était de faire du journalisme international. Je souhaitais aller à la rencontre des gens, comprendre des sujets complexes, informer. À l’occasion d’un stage avec Médecins Sans Frontières, je suis partie durant quatre mois aux Philippines aux côtés des enfants de la rue. C’est là que j’ai réalisé que je ne voulais pas informer, mais agir. La quête de sens est peut-être là depuis toujours oui, puisque j’ai sans cesse préféré des métiers mettant mes compétences au service des autres.

Médecins Sans Frontières
Médecins Sans Frontières aux Philippines

Comme vous le savez, la mission première de Day One est de faciliter l’engagement solidaire en entreprise. Quel regard portez-vous sur cette démarche ?

« L’engagement solidaire n’a de sens que s’il est bénéfique aux personnes concernées par la précarité. »

MB : Sur le principe, je ne peux qu’encourager la notion de travail communautaire. Je porte toutefois volontairement un regard critique sur le sujet car, venant de l’action sociale, je me place toujours du point de vue des bénéficiaires. Ce que je veux dire, c’est que l’engagement solidaire n’a de sens que s’il est bénéfique aux personnes concernées par la précarité et qu’il est fait selon des normes éthiques, qu’il n’est pas instrumentalisé en communication. On connaît le greenwashing dans certaines pratiques RSE, mais il existe aussi le socialwashing dans le domaine de l’engagement solidaire.

Pensez-vous que l’engagement solidaire évolue dans le bon sens ?

MB : Nous avions en France une culture un peu désuète, consistant à ne faire du bénévolat qu’une fois retraité. Les jeunes et les actifs ne se sentaient pas concernés, ou très peu. C’est en train de changer. Les travailleurs ont envie de voir à quoi ressemble cet univers du lien social, notamment parce que les entreprises leur créent des fenêtres de possibilité.

L’envie d’agir n’est-elle pas déjà en beaucoup d'entre nous, mais étouffée par la contrainte de temps ?

MB : Ça, je n’y crois pas. On consacre du temps à ses loisirs, au sport, à sa famille… Le bénévolat est aussi une source d’enrichissement. C’est donc une question de priorité, c’est un choix. Personnellement, j’encourage le bénévolat dès le plus jeune âge pour développer une culture du partage.

Lorsque vous étiez Déléguée générale de la Fondation CHANEL, ses collaborateurs ont pu tester le mécénat de compétences. Comment décririez-vous cette expérience ?

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« L’engagement solidaire des collaborateurs est devenu un métier à part entière. »

MB : Le chemin a été long pour mettre en place la démarche. C’était en 2012. Nous avons d’abord dû persuader l’entreprise d’adopter une politique autorisant des jours de mécénat de compétences. Au fil des années, nous avons instauré au moins deux jours annuels pour tous les collaborateurs.

Les missions étaient gérées directement par la Fondation. L’un des défis majeurs résidait dans le risque que la mission ne soit pas en adéquation avec les compétences du collaborateur, ses attentes et les besoins réels de l’association. Nous avons également dû faire face à des managers qui ne percevaient pas encore pleinement les avantages du mécénat en termes de motivation des employés et de développement de compétences, et qui pouvaient critiquer le temps consacré à cette initiative.

J’ai appris sur le tas. Le mécénat de compétences n’était pas aussi structuré qu’il l’est désormais. Aujourd’hui l’entreprise CHANEL a nommé une Responsable du Social Commitment, parce qu’ils ont bien vu que ces tâches étaient très chronophages. C’est la preuve que l’engagement solidaire des collaborateurs est devenu un métier à part entière.

Un grand nombre de vos combats tournent autour de la cause de la femme. À quel moment de votre parcours professionnel ou personnel avez-vous constaté les inégalités qui frappent les femmes ?

MB : C’est venu tardivement. Pendant dix ans, j’ai plutôt travaillé sur la protection de l’enfant, plus précisément dans le domaine de la prévention des causes de la mortalité de la petite enfance. Par extension, j’ai commencé à accompagner des mères. C’est ce qui m’a ouvert les yeux sur la condition des femmes. J’ai constaté que pratiquement toutes les causes des décès précoces des enfants étaient liées au statut des femmes.

Quand on regarde l’Index de l’Égalité professionnelle 2023, on se dit que les choses ne vont pas si mal. La note moyenne des entreprises est de 88/100 contre 84/100 en 2020. Dans les faits, l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être atteinte. Selon vous, sur quels sujets doivent s’améliorer les entreprises françaises ?

« Les décideurs [doivent être] compétents pour déconstruire les stéréotypes et les biais cognitifs sur lesquels eux-mêmes ont assis leurs privilèges. »

MB : Il est primordial de s’assurer que les décideurs sont compétents pour déconstruire les stéréotypes et les biais cognitifs sur lesquels eux-mêmes ont assis leurs privilèges. C’est seulement de cette façon qu’il est possible de créer les conditions de l’ascension des filles et des femmes, dans tous les secteurs. Cela suppose un rééquilibrage des forces. D’un côté, il faut cet environnement favorable à la parité. De l’autre, plus de prise de confiance de la part des femmes. Les deux vont ensemble. Si les femmes font de l’auto-développement mais que leur entreprise reste sexiste, c’est peine perdue. Les entreprises se construisent selon la volonté d’un certain nombre de personnes qui vont insuffler une culture. Chaque entreprise peut donc décider de faire le bon choix.

Le saviez-vous ? 💡

 60 % des entreprises de plus de 1000 salarié·es comptent moins de 30 % de femmes parmi leurs cadres dirigeants.[1]

Souhaitez-vous recommander un livre, film ou podcast en rapport avec la cause de la femme ?

«Il faut aider les femmes à être des leaders. »

MB : L’intelligence positive de Chamine Shirzad : ce livre adopte une vision neuroscientifique pour nous aider à déconstruire nos blocages afin de renforcer nos compétences d’intelligence émotionnelle, de réaction aux difficultés, etc. Je trouve qu’il s’applique assez bien au travail de leadership féminin, bien qu’il s’adresse à tout le monde.

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On her shoulders : un documentaire sur Nadia Murad, militante yézidie devenue la porte-parole des femmes esclaves sous Al-Qaïda. Ce qui m’a choquée dans ce documentaire, c’est que, sur sa tournée mondiale de plaidoyer où elle devait raconter son calvaire à chaque fois, à chaque journaliste, c’est-à-dire dix fois par jour, elle était seule. C’est comme si elle avait dû revivre son traumatisme autant de fois qu’il n’y a eu d’interviews. Et ça, pour moi, c’est une violence énorme. Je suis sortie de là en me disant que s’il y a une chose qu’on a négligée, nous, dans toute cette démarche d’empowerment des femmes, c’est qu’il faut aider les femmes à être des leaders.

Un grand merci à Miren Bengoa pour cet entretien sincère et véhément, mais également pour le précieux soutien qu’elle apporte à Day One. Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain pour découvrir un nouveau portrait d’une femme inspirante !

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